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VAZ-2101 : fierté de tout un peuple.

La VAZ-2101 ne tombera pas dans l’oubli comme d'autres grandes réalisations de la grande puissance soviétique, telles que la station orbitale Saliout, l’or olympique des patineurs Irina Rodnina et Alexandre Zaïtsev, les défilés de novembre sur la Place Rouge ou la crème glacée à 19 kopecks. Il y a plusieurs manières de traiter cette période de notre histoire comme dire avec une pointe de nostalgie que nous sommes responsables de sa fin mais le fait est que l’on ne nous enlèvera pas ces réalisations !

L’usine VAZ et la VAZ-2101, le premier modèle de cette usine, sont le résultat du flirt de nos dirigeants avec les Italiens « de gauche ». Rappelons à ceux qui en doute que Stavropol sur Volga a été rebaptisée en l’honneur de Palmiro Togliatti, le leader des communistes italiens. A l’époque on considérait tous les gauchistes occidentaux comme des enfants de la patrie : Aldo Moro, Luis Corvalan, John Reed, Angela Davis...

Quand il s’avéra que dans notre système de nomination des usines automobiles on devrait appeler la nouvelle usine TAZ (bassin en anatomie), il a été décidé d’appeler la nouvelle venue VAZ, pour Usine Automobiles de la Volga. Bien qu’elle ne soit pas plus proche de la Volga que GAZ ou UAZ. Ce n’est qu’une légende, mais elle n’est pas totalement infondée.

Et que dire du nom du premier modèle, Jigouli qui a valu à “Avtoexport” de se tirer les cheveux. Ce nom avait pourtant été choisi par tout le peuple soviétique. En 1968, un concours a été organisé à l’échelle nationale par les journaux « Sovietskaya Rossia » et « Za Roulem ». Les travailleurs de toute l’Union ont répondu par milliers. Quelqu’un de zélé a même proposé d’appeler la nouveauté : VIL (Vladimir Ilitch Lenine) car on était à la veille de l’anniversaire des 100 ans de sa naissance. Le ministère de l’industrie automobile a choisi dans toutes les propositions le nom de « Jigouli ». Pour ceux qui ne le sauraient pas, il s’agit de montagnes situées sur la Volga près de la ville de Togliatti. Mais Jigouli cela sonne comme gigolo en italien ou en français, voire comme souteneur ou proxénète. Avtoexport a demandé à Za Roulem de trouver une autre solution. C’est ainsi qu’à été trouvé pour les Jigouli un autre nom pour l’exportation : Lada. Dans ce nom on trouve toute la beauté et la simplicité de la Mère-Russie. Il est lié à son histoire, au souffle de la Volga, à une tresse blonde serrée. Les gigolos sont restés en Russie et l’occident a eu le droit à cette "beauté au yeux de vache".

Les Russes ont négocié chaque lire avec les Italiens. Ainsi est née la légende d’un contrat alternatif avec le français Renault. La résidence du KGB à Rome avait propagé l’information selon laquelle si les Italiens n’offraient pas un taux d’intérêt raisonnable, la délégation soviétique s’envolerait immédiatement pour la France. Il était ni plus ni moins question d’un crédit de 320 millions de dollars que la banque italienne IMI s’apprêtait à accorder à la « Vnechtorgbank » pour une période de 8 ans. Des taux plus favorables ont donc été proposés permettant d’économiser 38 millions. Et ce qui est remarquable c’est que dans l’affaire, Fiat a reçu près de 10 millions de dollars de plus !

Le futur directeur général de l’usine, V. Poliakov avait choisi à l'avance les repas de la délégation soviétique pour qu’on ne perde pas de temps à discuter des menus ! Poliakov est de la même lignée que ces derniers chefs stalinien que son Kossyguine, Gromyko, Oustinov. Extérieurement il rappelait De Gaule et il a dirigé l’entreprise de manière profondément rigide même dans les années 90 avant de partir à la retraite. A Togliatti il réglait les situations conflictuelles avec les gangsters locaux. On le craignait et on le respectait. Sans Poliakov, il n’y aurait pas eu de Kopeïka. Un modèle qui même dépassé continuait à grignoter à Fiat quelques parts de marché.

Le thème favori des historiens est : en quoi la VAZ-2101 différait de son ancêtre la Fiat 124 ? Vous connaissez les poignées de portes, les butoirs de pare-chocs, le moteur à arbre à cames en tête, les freins à tambours. Mais il est rigolo de savoir que la Fiat 124, dans sa version de base n’avait pas de rétroviseurs extérieurs, n’avait pas d’anneau de remorquage ou de dossiers de sièges réglables. Au total on comptait près de 800 modifications, fixées principalement par les conditions d’exploitations futures. Soit dit en passant, le chauffage de cette 124 russifiée était beaucoup plus efficace que celui des Moskvitch et même des Volga. Mais toutes ces améliorations ne sont pas à mettre au crédit de l’équipe dirigée par Poliakov. Pourtant qui saurait les attribuer après tant d’années ? Les poignées de portes par exemple : celles de la Fiat 124 offraient une prise naturelle, pas celle des VAZ. Ces poignées étaient apparues sur les versions de 124 préparées par Fiat pour l’Espagne et la Roumanie et aussi sur les nouvelles tractions avant 127 et 128... Les russes n’aimaient pas le pont arrière de la 124 avec ces longues attaches longitudinale, le tube massif dans lequel passait l’arbre de transmission et les amortisseurs placés à l’intérieur des ressorts. Résultat, ils ont voulu tout changer et le partenaire italien a proposé le pont arrière relié à la carrosserie par cinq points, que nous sommes habitués à voir sur la Jigouli.

Les Italiens étaient de bons combinateurs. Au début, comme second modèle, ils nous ont proposé la Fiat 125 qui au premier abord ressemblait à une Fiat 124 plus luxueuse. Mais les similitudes de carrosserie s’arrêtaient aux panneaux extérieurs de carrosserie. Le plancher de la 125 était emprunté à l’ancien modèle Fiat 1300. L’empattement était allongé et la suspension arrière à ressorts à lames était archaïque. De leur côté, les soviétiques avait besoin d’un maximum de pièces communes alors que Fiat proposaient une voiture totalement différente.

Le Modèle N°2 (Obrazets N°2, comme on l’appelait chez VAZ) a été fabriqué en 1967 par le centre d’ingénierie de Fiat et est devenu par la suite la VAZ-2103. Il avait encore des « vraies » poignées de portes mais déjà des pare-chocs avec butoirs. Les poignées ont ensuite été remplacées par celles de la VAZ-2101.

Outre les deux contrats précédemment cités, les soviétiques ont reçu une troisième voiture : le break VAZ-2102 qui n’était qu’une Fiat 124 Familiare russifiée. Plus tard, on a fait comme Fiat et en combinant habilement les moteurs, les carrosseries et d’autres pièces, VAZ a présenté 5 modèles dont un seul, la Niva était en fait totalement nouveau. Les autres n’étaient que de banals restylages.

A Togliatti, les six premières VAZ-2101 sont tombées de chaîne le 15 avril 1970. Quatre voitures étaient de couleur marron et deux de couleur bleue. Elles étaient présentées sous le drapeau de la RSFSR (la république de Russie). Comme on le sait, sur les premiers modèles certaines pièces ont été importées d’Italie, y compris les emblèmes sur lesquels on trouvait le nom de Togliatti. D'ailleurs et on le remarqua heureusement à temps, les Italiens avaient fait une erreur et remplacé le signe mou - le 4ème caractère du mot Togliatti - par un R. Le logo fut redessiné.

Fin de 1970, l'usine avait assemblé 21,000 voitures et en 1984, quand la production s'arrêta, on en avait fabriqué 2,702,657 exemplaires.

Quelques citations de la presse internationale de l'époque :

"Le Kremlin, gardien fidèle de l'idéologie marxiste, n'a pas hésité à conclure un contrat avec une grande entreprise capitaliste... Le diable capitaliste a donc fait son apparition dans le paradis communiste ! Après avoir proféré toutes sortes d'insultes à l'adresse du capitalisme, à la veille du 50ème anniversaire du régime soviétique, la Russie ne pouvait trouver rien de mieux que de s'appuyer sur les techniques capitalistes pour augmenter la vitalité de ses concitoyens. Cela n'a aucun sens de parler de la renonciation des principes communistes mais le progrès aura inévitablement des répercussions sur l'idéologie. Le Kremlin n'a même pas essayé de se sauver la face..." (Il Lavoro, Italie, 14/05/1966)

"Être propriétaire d'une voiture est pour le citoyen soviétique actuel une réalité insaisissable, comme rêver d'avoir son propre avion pour un simple habitant à l'Ouest. L'industrie automobile de l'Union Soviétique jusqu'à présent moribonde devrait croître de manière significative quand la future usine Fiat fonctionnera à pleine puissance" (Der Tagesspiegel, Allemagne, 06/05/1966)

"En invitant Fiat à fabriquer des voitures sur leur territoire, les hauts responsables du Kremlin impose un lourd camouflet à tous les partisans du marxisme à l'Ouest : non seulement parce qu'ils ont signé un accord avec le diable capitaliste mais aussi parce qu'ils témoignent ainsi de sa supériorité..." (Gazette de Lausanne, Suisse, 09/05/1966)

"Les garages et les routes en Russie sont dans un état déplorable et déjà insuffisants pour le nombre actuel de véhicules en circulation. L'envie de voitures est si grande qu'on pourrait écrire un livre entier sur les moyens légaux et illégaux pour s'en procurer une..." (The Guardian, Royaume Uni, 06/05/1966)

Légende des photos :

  • La Fiat 124 (1966-1970) se reconnaît à son pare-choc sans trou pour la manivelle, par ses butoirs en caoutchouc et par ses poignées de portes avec une prise en main naturelle.
  • La Fiat 124 Special (1968-1970) peut être comparée à la VAZ-2103 mais ce sont deux voitures différentes. Des butoirs apparaissent sur les pare-chocs et les poignées de portes ont été intégrées.
  • La chaîne de VAZ était la copie conforme de celle installée dans l’usine Fiat de Mirafiori. Le plancher était recouvert de parquet en bois qui absorbait les hydrocarbures et autres fluides qui pouvaient tomber du convoyeur.
  • Le break Fiat 124 Familiare (1966-1970) se distinguait de la berline par son réservoir plus grand (47 litres contre 39) et par son rapport de pont rallongé (4,4 contre 4,3).
  • L’habitacle de la VAZ-2101 tiré d'un catalogue d’Avtoexport.
  • Le second modèle de l’Usine Automobile de la Volga, la VAZ-2102 (1972-1980) photographiée devant la chaîne.
  • Voici à quoi ressemblait une Lada 1500 Estate, une VAZ-21023 avec direction à droite et un moteur 1,5l de 77ch de VAZ-2103 qui partait à l’exportation avec des pare-chocs à butoirs.
  • Les pare-chocs avec un insert en caoutchouc sur toute leur longueur sont apparus plus tard (en 1974) sur le modèle VAZ-21011, un restyling de la première kopeïka.
  • La VAZ-21014 est une variante pour les marchés à conduite à gauche. La Grande-Bretagne en était très friande et souvent nous les avons réimportées sur notre sol.
  • "Moscou ne croit pas aux larmes". VAZ 2103 (1972-1984)
  • Le tableau de bord « bois » de la VAZ-2103.
  • Le premier directeur général de VAZ, Victor Nikolaïevitch Poliakov (1915-2004)

Lu sur : http://www.zr.ru/a/263863/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #VAZ, #Lada, #Fiat, #Togliatti, #2101